L’Art de Dieu

  1. La nature de l’art, expression sensible de réalités spirituelles :

 

C’est sur cette base de Dieu-créateur-artiste que s’enracine le lien entre la Foi et l’Art. A la différence de saint Bernard qui « voyait dans l’art un dérivatif inutile à la foi », Saint Antonin, qui fut le prieur de Fra Angelico et supervisa sa décoration du couvent San Marco, affirme à la suite du livre de la Sagesse : « la beauté des créatures mène à la connaissance du créateur » (summa moralis). A partir de ce fondement théologique, on peut commencer à définir la nature de l’art.

« D’après la Foi chrétienne, dit Benoit XVI (page 74 EM), il est de la nature de l’Homme de procéder de l’art de Dieu, de faire lui-même partie de l’art de Dieu. » En s’inspirant de l’idée de participation de Platon, on pourrait aussi proposer cette formulation : « l’art de l’homme participe de l’art de Dieu ».

 

Pourtant, la nature de l’art se développe, s’approfondit et s’enrichit de manière inimaginable dans un autre fondement théologique avec l’arrivée d’un nouvel évènement : l’incarnation et la résurrection du Christ, et la Foi en la résurrection de la chair ! Saint Paul à la suite du Christ dans les évangiles enseigne que notre corps participe (au présent) et participera (au futur) à notre salut ou à notre perdition (chapitre 15 épître aux corinthiens). Ainsi, le rôle de l’art sacré est lié au mystère de la résurrection de la chair. A la différence des anges, à la fin du monde, nous retrouverons notre corps, un corps glorieux de nature toute différente, immortelle et incorruptible. Une création nouvelle naîtra, dit l’Apocalypse, en vue de laquelle la création (l’actuelle) toute entière gémit dans les douleurs de l’enfantement, précise saint Paul. Nous constatons par conséquent que la matière sera encore présente, mais d’une toute autre forme. Pensons simplement aux apparitions du Christ ressuscité à ses disciples après Pâques ou à sa transfiguration au mont Thabor : Il possède vraiment un corps, le sien,  qu’on peut toucher et avec lequel il peut manger, ce n’est pas un fantôme ; pourtant, il pénètre dans un lieu sans passer par la porte, est présent dans plusieurs lieux à la fois, n’est même pas reconnu souvent…

Dans l’épître aux Corinthiens, saint Paul poursuit son exposé sur le sujet : la chair que nous récolterons lors de la résurrection correspondra à ce que nous aurons semé durant notre vie. Ainsi, notre corps glorieux, à la ressemblance du Christ transfiguré, sera l’expression du degré de charité et de sainteté de chacun.  Or, l’Art c’est cela. Son rôle et son pouvoir, c’est d’exprimer visiblement des réalités invisibles. Si l’on veut parler du corps glorieux du Christ (ou de Marie sa mère, puisqu’elle aussi possède déjà son corps glorieux), avec son visage et ses expressions, on pourra dire qu’il est le reflet visible de sa personne et de sa Charité. A l’instar des corps glorieux, il y a dans l’acte artistique une incarnation de l’esprit, selon les mots de Benoît XVI (p 57 EM).

Poursuivons cette piste et précisons notre définition. Benoît XVI dit que « la création artistique est la transposition dans le monde sensible d’une contemplation » de res spirituales (p 69). Le travail de l’artiste est « de penser et contempler les idées créatrices de Dieu et de les traduire dans la sphère du visible et de l’audible » (p 74). Reprenons ces éléments et proposons une formule synthétique : l’art traduit dans le domaine sensible des réalités spirituelles. Finalement l’art, ce n’est que cela, ou plutôt c’est autant que cela !

En s’inspirant de l’idée de participation de Platon, on pourrait aussi proposer la formulation suivante : une œuvre d’art participe de l’idée spirituelle qu’elle exprime. Une œuvre d’art exprimant l’Amour de Dieu (pensons par exemple au chant grégorien de la Passion) participe donc de l’Amour de Dieu, lequel lui confère ce qu’il y a d’amour en elle; dans cette œuvre, il y a à la fois présence et absence de l’Amour de Dieu, donc participation.